300 AAC ou le calibre universel ...

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Le sujet de la munition de combat universelle est un vieux débat. Dans les années 80, Jeff Cooper et Chuck Taylor situait déjà le calibre de combat idéal entre 6.5 et 7.62 mm (.30) avec une nette préférence autour de 7 mm.

Jeff et Chuck étaient des chasseurs et ce n’est pas un hasard si parmi les calibres de chasse les plus populaires aux USA sont le .270 Winchester et le .280 Remington et en Europe le 7 x 64, munitions de chasse à "tout faire". N'oublions pas aussi que durant la deuxième guerre mondiale, les allemands ont dévellopé la 7.92 x 33 mm Kurs, qui fut ensuite à l'origine du .308 OTAN !

Depuis la gauche, 300 AAC Blackout avec embout plasitque, 300 AAC 125 gr Match, 300 AAC Blackout 220 grains Subso, 5.56 x 45 mm OTAN et 7.62 x 39 mm Russe.

On ne va pas refaire l’histoire, mais le choix de la 5.56 x 45 dans les années 60’ n’était certainement pas dicté par les mêmes critères et besoins qu’actuellement, les théâtres d’opérations sont différents.

Plus récemment, plusieurs RETEX (rapports d’expérience) d’Afghanistan ont mis en lumière le manque d’efficacité des armes d’infanterie classiques, notamment les fusils d’assaut en calibre 5.56 x 45 mm. Par exemple, la distance moyenne d’engagement dans ce conflit est de 450 mètres, soit au-delà de la portée de combat de la M-4....

On a beau dire que seul le placement du projectile compte, la masse de plomb mit en mouvement compte aussi ! Dans un récent rapport* (ci-joint Taking Back The Infantry_Half_Kilometer, voir mon P.S), l’U.S Army considérait que 81% de la puissance de feu d’un bataillon d’infanterie en Afghanistan était totalement inefficace aux distances d‘engagement. Reste donc 19% des armes du bataillon utilisables à ces distances, soit les mortiers d’infanterie (60 mm et 81 mm), les mitrailleuses (Minimi et MAG) et les tireurs au fusil à lunette (5.6 / .308 / .338 / .50).

Toutefois, une munition de combat doit répondre a des critères bien différents qu’une munition de chasse ou de loisirs. Si je ne conteste pas les qualités balistiques du 300 AAC, je place cette munition dans la même catégorie que le 6.8 SPC, le 6.5 Grendel, le 6.5 Lapua, .280 British ou encore le 6.45x48mm développé en Suisse (GP-80) et plein d’autres. Toutes ces munitions furent des tentatives, plus ou moins réussies, de trouver un compromis entre puissance, portée, précision et capacité, mais elles ont jamais été adoptées officiellement ! Pourtant, elles sont toutes inspirées de munitions de combat qui avaient fait leurs preuves lors de la deuxième guerre mondiale, je pense ici notamment au 6.5 x 52 mm "Carcano" (Italie) et au 6.5 x 50 mm japonnais, tout étaient des calibres destinnés à des fusils à répétition manuel.

Une bonne munition de combat doit être largement disponible, donc adoptée préalablement par une armée importante, c’est un choix stratégique. Nous vivons encore sur les principes de la guerre froide, les cinq calibres militaires les plus répandus dans le monde sont le produits de la guerre froide et le produits des trois blocs, soit:

  1. 7.62 x 39
  2. 5.45 x 39 m
  3. 5.8 x 42 mm (Chine)
  4. 7.62 x 51mm OTAN
  5. 5.56 x 45 OTAN

Je ne connais pas une armée moderne dans le monde qui n’utilise pas l’une de ces cinq munitions !

Il faut bien avoué que pour des situations “spéciales” ou l’on ne veut pas forcément laissé des traces évidentes ou pour des unités d’intervention de police, une munition de type .300 AAC à un véritable intérêt.

Par exemple, en Suisse, nous avons encore dans notre arsenal une munition “secrète” dont le projectile n’a rien à avoir avec le calibre de l’arme .... et oui !

Certaines unités opérationnelles, n’hésite pas à recanoner des armes pour tirer des munitions rechargées avec des ogives de l’adversaire, afin de laisser une trace “différente”, mais se pose sérieusement la question de l’approvisionnement pour ce type de munition “artisanale”, généralement rechargée.

Bien que le .300 AAC n’est pas vraiment un calibre Wilcat, je crains que ce calibre ne reste pas dans l’histoire, même s’il existe un intérêt poli des Forces spéciales US pour un nouveau calibre “lourd”.... Il faut rappeler qu’à l’origine le FN SCAR (Special operations Combat Assault Rifle) était prévu en deux versions, une version dite légère  ou SCAR-L prévu pour tirer la 5,56 × 45 mm OTAN et une version lourde SCAR-H prévu initialement pour tirer la 6.8 SPC et la 7.62 x 39 ! Ces deux dernières ont été abandonnées au profit du 7.62 x 51 OTAN !

Le 300 AAC Blackout n'est ni plus ni moins qu'une 300 Whisper qui contourne les brevets déposés par JD Jones (SSK Industries) dans les annés 90. Dans une arme chambrée en 300 AAC, on peut tirer indifféremment l'une ou l'autre. Dans la même famille que le .300 AAC, une cartouche Wilcat suscite plus d’intérêt actuellement, c’est le .300 Whisper qui offre de vraies solutions, notamment pour ces capacités exceptionnelles dans le domaine subsonique avec des armes silencieuses... Le .300 Whisper est issu de la grande famille “Whisper” développé par SSK Industries http://sskindustries.com/ . Le .300 AAC semble avoir des qualités proches du .300 Whisper, notamment avec le projectile Sierra de 220 grains.

La grande famille des Whisper
Depuis la gauche, 302, 338, 375 and 416 Whispers® utilisent des armes prévues pour le .308, notamment l' AR 10, les Contenders et Encores. Avec un silencieux, ces armes sont très discrètes et ont de très bonnes capacités à haute vitesse.

A savoir qu'HK avait choisi une munition de 7,62x38 pour tirer dans sa carabine SL9 SD silencieuse... avant de revenir à la raison, de payer les royalties et de sortir cette arme en 300 Whisper. Le 7.62 x 38 n’est pas un développement de HK, mais une reprise d’un calibre russe développée pour des armes spéciales du KGB dans les année 70’...

Conclusions:

  1. Techniquement, chaque combattant aspire à avoir un couple arme/munition fiable, précis, léger et puissant ! Les solutions existent depuis de nombreuses années, chez les chasseurs et les tireurs de précision, néanmoins je ne crois pas à la balle “magique” et je préfère investir le même montant d’argent dans une munition “Low cost” de qualité honnête et tirer plus pour le même prix ! Bien que j’adore le calibre .45 et le .40 S&W que je considère comme des compromis idéaux pour une arme de poing, je tire avec des armes en calibre 9 mm, pour de simple raisons de disponibilités, d’approvisionnement et de prix !
  2. Un autre aspect du problème consiste à dire qu’il vaut mieux tirer une munition que l’on connaît et on maîtrise parfaitement la balistique, plutôt que de partir avec une munition exotique dont on a pas un recul suffisant pour connaître son comportement dans toutes les situations de combat que l’on pourrait rencontrer.
  3. La munition et le fusil seront toujours meilleures que le tireur, le tireur doit juste connaître les limite de son matériel !


 Daniel

* PS: Pour faire suite à notre débat enflammé à propos du calibre militaire universel, je joins à ce post un petit rapport que j’avais envoyé il y a quelques temps déjà et qui pose bien les données du combat moderne, notamment la problématique rencontrée dans l’engagement en Afghanistan

Bien que je ne partage pas tous ses avis et certaines de ses conclusions, notamment sur sa recommandation d’adopter le 6.8 SPC, je trouve ce rapport particulièrement bien fait et l’auteur fait preuve d’une clairvoyance rare pour un militaire américain ...