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Tir depuis l’intérieur d’un véhicule non-blindé [1]

Soumis par Daniel Wenker le 11 sep 2010 - 13:35

Tir depuis l’intérieur d’un véhicule non-blindé

 

1. Cadre tactique

Ce module d’instruction à été conçu sur la demande de l’Armée suisse pour les agents de protection de personne et de la police militaire suite à un événement tragique lorsqu’un militaire des forces spéciales de l’armée britannique a perdu la vie pendant une mission de surveillance en Bosnie.

Le militaire anglais opérant en civil fut repéré à bord de son véhicule qui était stationné. Sans aucune sommation, son adversaire a commencé à lui tirer dessus au moyen d’un fusil d’assaut AK-47, calibre 7.62 x 39, depuis une distance inférieure à 50 mètres. Le militaire a alors essayé de sortir de son véhicule pour engager son arme (un pistolet Browning GP-35 en 9mm para), subissant probablement un stress intense, le militaire resta retenu par sa ceinture de sécurité et fut atteint mortellement à ce moment critique. L’adversaire avait tiré environ l’équivalent d’un magasin de 30 coups entre les distances de 50 m jusqu’à moins de 3 mètres.

Le tir depuis l’intérieur d’un véhicule est à considérer lors d’une attaque ou la seule intention des assaillants est de tuer ou d’enlever les occupants du véhicule.

Lors de l’attaque, le conducteur du véhicule a trois options principales :

  1. Quitter la zone de danger avec le véhicule le plus vite possible (Technique de contre-embuscade avec un véhicule en état de marche)
  2. Riposter par le feu
  3. Subir l’attaque sans aucune chance de survie

Si le véhicule est immobilisé, le choix logique sera de riposter au plus vite depuis l’intérieur du véhicule. Si l’on essaye de quitter le véhicule pour engager la riposte, le conducteur ou le passager perdra de précieuse seconde et favorisera l’attaque de l’adversaire. Le temps nécessaire pour quitter un véhicule est d’environ 4 sec. Ce temps est beaucoup trop long et favorise l’attaque. Il est préférable d’utiliser ces 4 secondes pour riposter dans les plus brefs délais.

Le tir au travers du pare-brise et des vitres latérales doit être entraîné et proposé comme une solution tactique lors d’embuscade à bord des véhicules non-blindés.



2. Préparation du véhicule

Dans la mesure du possible, le véhicule banalisé pour les missions de protection de personne ou de contre surveillance sera préparé discrètement.

Une cale en bois doit être placé sous le siège conducteur dans le dessin de pousser le siège à sa butée arrière lors des arrêts et des pauses. Ainsi le dégagement supplémentaire du siège favorisera l’extraction rapide du conducteur. La cale permettra de revenir au réglage d’origine pour le conducteur en seul mouvement.

Dans le même souci de sortir rapidement du véhicule en cas d’urgence, les poignées de portes seront munies d’une cordelette (para-cord) d’environ 10 cm pour faciliter la saisie. Certaines poignées de porte sont particulièrement difficiles à ouvrir sous un stress intense.

D’aucune manière une arme doit être libre dans l’habitacle du véhicule, ainsi on fixera un holster improvisé sur le devant du siège conducteur (entre les jambes) ou de part et d’autre de la console centrale. Les conducteurs gauchers pourront également fixer un étui en bas à gauche de la pédale d’embrayage.

D’une manière générale, il faut éviter de fixer une arme dans les portières d’un véhicule.

 

3. Deuxième arme

L’agent en charge de la conduite du véhicule d’escorte ne doit pas se séparer de son arme. On veillera donc à fixer dans le véhicule une deuxième arme.

Ainsi en cas d’extraction rapide du véhicule, l’agent conserve son pistolet pour sa protection personnelle et celle du VIP. L’arme doit être disposé dans un holster improvisé fixé dans la voiture.

Selon le type d’engagement, on peut considérer comme deuxième arme, une arme d’épaule. Les seules restrictions seront la dissimulation de l’arme dans le véhicule et sa maniabilité. L’arme d’épaule sera alors à disposition du passager avant.

Si une deuxième arme n’est pas disponible, l’agent peut alors augmenter sa préparation en plaçant son arme personnelle sous la cuisse dans le but d’augmenter son niveau de préparation, ceci uniquement pendant les périodes statiques du véhicule.



4. Influence du tir au travers du pare-brise

4.1 Projectiles avec une vitesse initiale de moins de 500m/sec

Au vue des tests effectués, les projectiles dont la vitesse initiale ne dépassent pas les 500m/sec (pistolet et mitraillette) restent entiers.

Le premier projectile tiré au travers du pare-brise dévie de façon beaucoup plus importante que le second, qui profite du trou et de l’affaiblissement de la résistance du pare-brise.

La déviation ne peut être formellement établi, mais une tendance vers le bas et la droite ou le haut et la gauche de la cible a été constatée lors de nos tests. La distance entre la bouche du canon de l’arme et le pare-brise influence fortement la déviation du projectile. La distance entre le pare-brise et la cible influence également la déviation d’une manière importante.

4.2 Projectiles avec une vitesse initiale de plus de 500m/sec

Les projectiles de 5.6 mm subissent plus les effets du pare-brise. Déjà à courte distance (3m-5m), nous avons remarqué une séparation du projectile. L’enveloppe et le corps se séparent formant deux projectiles indépendants. La trajectoire n’est alors plus stable, néanmoins à courte distance tous les impacts sont garantis dans la zone du centre de la masse de la cible NTTC form 34.22.

4.3 Distance de la bouche du canon par rapport au pare-brise

Lors des tirs effectués, nous avons constaté que la déviation du projectile dans la cible augmenta en fonction de l’éloignement de la bouche du canon par rapport au verre du pare-brise. Nous recommandons de placer l’arme au plus près possible du pare-brise néanmoins sans le toucher pour réduire les possibilités de retour d’éclats.

 

5. Effets du tir à l’intérieur du véhicule

Les risques de ricochets à l’intérieur du véhicule sont faibles dans les véhicules non blindés. Cependant, L’agent prendra garde avant d’engager un adversaire de vérifier s’il ne se trouve pas dans une voiture blindée.

Les effets du tir à l’intérieur de l’habitacle sont le souffle (blast) et les éclats.

Le souffle des gaz peut dans certain cas (tir avec un fusil avec toutes les vitres fermées) provoqués une surpression dans la voiture et l’éclatement des vitres latérales, avec des lésions de décompression possible pour les occupants du véhicule.

Le souffle sera plus ou moins important selon l’arme et le calibre utilisé.

Les pare-brise modernes sont construits de verre feuilleté, le tir au travers de ceux-ci ne provoque que peu d’éclats. Les risques pour le tireur sont faibles. Dans la pratique et à l’entraînement, nous recommandons cependant de porter des manches longues, des gants, des lunettes de tir et un pince-nez (vitres fermées uniquement).

 

6. Effets du tir sur le pare-brise et les vitres latérales

Le pare-brise est traversé sans difficulté depuis l’intérieur du véhicule. Le tir provoque très peu d’éclat. Il est nécessaire de tirer deux coups rapidement. Le premier coup, casse le pare-brise et le fragilise alors que le deuxième coup le traverse avec une résistance réduite (souvent un seul trou).

Les vitres latérales d’un véhicule sont fabriquées avec un verre différent des pare-brise. Les vitres latérales sont constituées de verre « securit » qui explose littéralement en de multiples particules lors d’un impact. Parfois le verre reste entier mais se mosaïque, ce qui rend la vision impossible au travers.

La conduite du véhicule reste possible après le tir. Le chauffeur peut dégager le pare-brise endommagé par un simple coup de pied. Encore une fois le port des lunettes sera indispensable pour conduire le véhicule à grande vitesse [1] .

 

7. Sécurité

Tous les occupants du véhicule doivent porter une ceinture de sécurité. En cas de choc, la première priorité est de survivre et ensuite de combattre.

Les occupants sont drillés à retirer leurs ceintures de sécurité avec une arme en main en respectant les quatre règles de sécurité.

Pour les raisons invoquées plus haut, le port de lunette est indispensable lors des missions pour le chauffeur. Nous recommandons que l’ensemble des agents porte des lunettes de protection ou de soleil.

En opération, plutôt que de disposer d’un pince-nez, on veillera à entrouvrir légèrement deux vitres du véhicule (environ 1 à 2 cm), ceci évitera les problèmes lier au souffle en cas de tir avec des armes puissantes (fusils).

Pour l’entraînement comme en opération, les tireurs veilleront à porter des manches longues des gants et des lunettes, ceux-ci élimineront tout risques de coupures.

 

8. Préparation de la place de tir

Cet entraînement est effectué à courte distance. Il se déroule dans une stalle NTTC 30 m standard. Le moniteur prévoit une bâche plastique sous le véhicule pour faciliter le rétablissement de la place de tir (verre, huile).

Toutes les vitres du véhicule sont utilisées pour le tir. Il est donc nécessaire de disposer d’un véhicule de rebut en état de marche pour le tourner.

Lors de la formation à cette technique, il est opportun de démontrer à titre éducatif les effets d’un tir (de différents calibres) sur un véhicule léger et de démystifier un certain nombre d’idée reçue lier à la pollution intellectuelle et à la culture cinématographique.

 

9. Restrictions

Ce document est confidentiel et destiné uniquement à l’instruction des Forces de l’Ordre, de l’Armée et des spécialistes de protection de personne. Ce document ne doit pas être diffusé sans le consentement de la Société Genevoise de Tir Tactique.

Ce module ne peut être instruit que par les moniteurs et instructeurs de tir formés à cet effet.

 

10. Conclusion.

Ces techniques fonctionnent avec une bonne efficacité. Elles sont instruites et engagées en opération, elles proposent une réelle solution tactique et elles peuvent sauver des vies.

Toutefois, il faudra rendre attentifs les agents de ne pas supposer des effets de leur tir sur leurs adversaires. L’agent qui engage un adversaire au travers du pare-brise d’un véhicule doit absolument tirer jusqu’à la neutralisation complète de l’attaque et non pas s’arrêter de tirer après le tir d’une simple doublette.

Au besoin et à longue distance (Fass), le tireur aura la possibilité de passer le canon de son arme au travers de l’orifice pratiqué par les deux premiers coups, puis d’ajuster un tir précis en éliminant tous les risques de séparation du projectile.

Les exercices démontrent la possibilité d’utiliser sans aucun problème un fusil d’assaut à bord d’un véhicule civil de la taille d’une VW Golf.

 

Daniel Wenker

Avril 2001

                                                                      




[1]
Si les vitres latérales sont fermées, le capot de la voiture a un effet de spoiler jusqu’à 150 km/h

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